Publiée le 19 novembre 2016, la loi de modernisation de la Justice du 21ème siècle en créant l’article L 121-6 du Code de la Route, impose à l’employeur, depuis le 1er janvier 2017, de dénoncer ses salariés en cas d’infractions au code de la route commise avec des véhicules de société.
Petites ou grandes entreprises ont dû faire face à la gestion de ces PV et aux conséquences sur le plan pécuniaire, en cas de non-respect de leurs obligations légales !
Depuis près de trois ans, ce nouveau dispositif a généré un contentieux de masse auprès des juridictions du premier et second degré mais également de la Cour de Cassation.
- La nouvelle obligation de dénonciation des salariés par le chef d’entreprise
L’article L121-6 du Code de la Route dispose :
« Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
Le fait de contrevenir au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. »
A la lecture de ce texte, le chef d’entreprise est contraint de communiquer, par lettre RAR ou de façon dématérialisée, l’identité et l’adresse de la personne qui conduisait le véhicule, à moins qu’il n’établisse un vol, une usurpation de plaque d’immatriculation ou tout autre évènement de force majeure.
En cas de non-respect de cette obligation, la personne morale est destinataire d’un avis de contravention pour non transmission de l’identité du conducteur par le représentant légal de la personne morale détenant le véhicule.
L’amende minorée est fixée à 450 euros et l’amende forfaitaire à 675 euros.
Quant à l’amende forfaitaire majorée, elle est de 1875 euros.
Cette obligation de désignation concerne les infractions constatées par le contrôle automatisé dont la liste est définie par décret.
- Etat de la jurisprudence après plus trois ans de contentieux
Compte tenu de la multiplication des contestations engagées devant les juridictions du premier et second degré depuis l’entrée en vigueur du dispositif, la Cour de Cassation a été saisie de plusieurs problématiques juridiques en lien avec cette infraction.
Elle a donc tranché certains points bien précis.
En premier lieu, depuis l’entrée en vigueur du dispositif, les avis de contravention pour non désignation des conducteurs n’ont pas été adressés au chef d’entreprise mais à la personne morale alors que l’obligation visée par le texte incombait au représentant de la personne morale.
Sur la base de cet argument, de nombreuses contestations ont été classées sans suite par les officiers du Ministère Public et/ou de nombreuses relaxes ont été prononcées par les juridictions.
En effet, on considérait qu’on ne pouvait pas faire peser sur une personne, une obligation qui en incombait à une autre…
Cependant, la Cour de Cassation est venue sauvegarder le dispositif prévu par l’article L 121-6 du Code de la Route en permettant que la personne morale soit destinataire de l’avis de contravention. (Cass Crim 11 déc 2018 n° 18682631, Crim 30 oct 2019 n° 1980081), mettant ainsi un coup d’arrêt à cette argumentation.
Dans le même temps, elle a tranché une autre problématique qui concernait les avis de contravention datés postérieurement au 1er janvier 2017 pour des infractions constatées par le contrôle automatisé antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.
Un grand nombre de contestations ont été portées devant les juridictions pour contester l’application rétroactive de l’article L 121-6 du Code de la Route.
Sur ce point, la Cour de Cassation a considéré que peu importe que l’infraction, en elle-même, ait été commise avant l’entrée en vigueur de la loi, les poursuites pour non dénonciation de conducteur était fondées dés lors que le prévenu avait été informé de son obligation de désignation dans l’avis de contravention initial d’excès de vitesse. ( Cass Crim 11 déc 2018 n°18-82820)
En troisième lieu, nombreux sont les chefs d’entreprises qui, en toute bonne foi, ont payé des PV d’excès de vitesse au motif qu’ils étaient auteur de l’infraction, et se sont vu destinataire, par la suite, d’un avis de contravention pour non transmission de l’identité du conducteur à hauteur de 650 euros.
La Cour de Cassation a rappelé dans un arrêt du 15 janvier 2019, qu’il appartient au représentant légal de s’auto-désigner pour recevoir en son nom et à son domicile personnel un avis de contravention ( Cass Crim 15 janvier 2019 n°18 82 380)
Dans un rapport du 15 novembre 2017, le Défenseur des Droits a, d’ailleurs, recommandé au Ministre de l’Intérieur de rendre plus lisible les informations délivrées dans les avis de contravention initiaux pour éviter la réception d’un avis pour non désignation de conducteur et notamment sur l’obligation d’auto-désignation du représentant légal lorsqu’il est lui-même auteur de l’infraction
Sur un ensemble de décisions particulièrement défavorables aux entreprises depuis l’entrée en vigueur du dispositif, a enfin jaillit un arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation dont le principe qui s’en dégage n’est pas sans conséquence pour de nombreux professionnels !
En effet, dans un arrêt en date du 21 avril 2020 (n° de pourvoi 19-86467), la Cour de Cassation a considéré que l’obligation de désignation n’incombait pas à l’entrepreneur individuel, celui-ci ne détenant pas la personnalité morale.
Ce dernier ne pourra donc être poursuivi pour l’infraction de non transmission de l’identité du conducteur.
Sont donc exemptes de cette désignation les professions tels que les médecins, les avocats, les artisans, les commerçants qui exercent à titre individuel.
A réception d’un avis de contravention, l’entrepreneur individuel ne sera plus tenu de se désigner en qualité d’auteur et pourra directement régler son avis de contravention.
Si malgré tout, il venait à recevoir un avis de contravention pour non désignation de conducteur, le PV sera aisément contestable en faisant référence à cette décision de la Cour de Cassation !